Gros plan sur Gorden Wagener, chef du design du groupe Daimler
Sous l’impulsion de Gorden Wagener, en poste depuis 2008, le design du groupe Daimler, notamment de Mercedes-Benz, s’est sensiblement renouvelé. Avec de nouveaux jalons qui apparaissent cet automne : la EQC et la Vision EQ Silver Arrow.
L’image de Mercedes-Benz est paradoxale. Pour beaucoup, c’est une marque premium qui se distingue par la classe et le classicisme de ses produits. Cette réputation a été forgée par la fabrication traditionnelle de berlines strictes et conventionnelles pendant des lustres. Dans la réalité, force est de constater que Mercedes-Benz use aujourd’hui du même vocabulaire que ses rivaux pour s’imposer dans la compétition mondiale.
L’histoire contemporaine de la marque à l’Étoile avait montré qu’elle pouvait se risquer en dehors des courants convenus. Ainsi, tout a changé à l’aube du troisième millénaire quand apparut la première Classe A. Lancée en mars 1997, elle a fait basculer Mercedes dans une autre logique en abordant une catégorie qu’elle ne fréquentait pas auparavant. En outre, elle le fit avec un « monocorps » compact sur un segment qui faisait plutôt l’apologie des berlines « bicorps ». Helmut Werner fut l’initiateur de cette révolution. Le dynamique patron de Mercedes-Benz, limogé peu après en remerciement, considérait que le futur de son entreprise passait nécessairement par la diversification de l’offre. D’où des mesures drastiques comme l’installation d’une usine aux États-Unis pour produire un SUV, la création du label Smart, la fusion (ratée) de Daimler et Chrysler, l’assimilation de la filiale AMG et le lancement de la Classe A.
L’actuel responsable du design, Gorden Wagener, a pris le parti de coller aux tendances de son époque. Question de génération. Quand il prit la direction du design de Daimler AG, il avait tout juste quarante ans, à peu près le même âge que Laurens Van den Acker (Renault), Jean-Pierre Ploué (PSA), Thierry Métroz (DS Automobiles) ou Gilles Vidal (Peugeot). Des créateurs qui avaient tous reçu une formation artistique et qui se sont trouvé d’emblée confrontés aux nouvelles conditions géopolitiques correspondant à l’essor du BRICS. Ces designers-là n’ont pas hésité à casser les moules, à se soucier des mouvances et des mouvements.
Les hommes qui avaient précédé Gorden Wagener à la tête des études carrosserie chez Mercedes-Benz avaient reçu des formations d’ingénieurs. Que ce soit Karl Wilfert, qui supervisa la 300 SL, Friedrich Geiger, qui travailla sur la sécurité passive avec Béla Barényi, Bruno Sacco, diplômé du Polytechnique de Turin et entraîné chez les carrossiers, ou Peter Pfeifer, formé à l’industrie de la porcelaine…
Gorden Wagener fut le premier de la lignée à avoir suivi la filière du design. Âgé aujourd’hui de cinquante ans, natif de Essen où il fit ses études universitaires, il partit ensuite pour Londres, poursuivre son cursus au Royal College of Art pour y recevoir sa formation de designer. Diplôme en poche, il effectua ses premières armes chez Opel, puis passa chez Mazda et Volkswagen avant d’entrer chez Mercedes en 1997. Pendant une longue période qui s’est étendue de 1997 à 2006, Gorden Wagener a été responsable du design pour les Classes A, B, C, E, CLK et CLS. Pendant deux années, il dirigea le studio de design avancé en Californie (Mercedes-Benz Advanced Design of North America) avant de revenir à Stuttgart pour prendre la suite de Peter Pfeiffer.
Dès son arrivée, Gorden Wagener a initié une série de concept cars qui laissaient la part belle à la sensualité, à l’émotion. Il a appuyé sa démarche sur la notion de « creative art » en encourageant la recherche libre de formes organiques.
Gorden Wagener a également accompagné la mutation de la gamme Mercedes, notamment en bas de gamme. En 2012, la troisième génération de la Classe A n’hésita pas à abandonner le concept « monovolume » pour adopter une ligne tricorps, surbaissée, allongée, dynamique, capable d’aller conquérir une nouvelle clientèle, comptant sur la seule Classe B pour satisfaire les irréductibles du monospace.
Depuis le début de son mandat, Gorden Wagener a dû également faire face à l’explosion du marché chinois, continuant d’envisager des productions internationaux, capables de plaire à Salt Lake City autant qu’à Clermont-Ferrand ou à Guangzhou, tout en flattant le goût particulier de la clientèle chinoise du haut de gamme. On a pu voir le résultat de cette réflexion sous la forme de la Mercedes-Maybach Ultimate Luxury dévoilée au Salon Auto China au printemps dernier et formatée pour la clientèle de l’Empire du Milieu.
Aujourd’hui, Gorden Wagener a pour mission de préciser l’identité de toutes les branches du groupe Daimler : Mercedes-Benz pour le cœur de la gamme, EQ pour les véhicules électriques, Maybach pour les produits de très haut luxe et AMG pour tous les modèles à tendance sportive. Sans oublier Smart, pour les voitures citadines.
Avec la présentation du concept-car Vision EQ Silver Arrow en août et de la EQC début septembre, les grandes lignes du futur se précisent.
Serge Bellu