Gros plan sur Luigi Colani 1928-2019
Il avait animé la XXIIe édition du Festival Automobile International qui en janvier 2007 se déroulait pour la seconde fois au Grand Palais : Luigi Colani recevait cette année-là le Grand Prix du Design. Il s’est éteint le 16 septembre dernier à l’âge de 91 ans.
C’est la politique en faveur de l’aérodynamique qui propulse le designer Luigi Colani sur le devant de la scène dans les années 1980. En Allemagne, le Ministère Fédéral de la Recherche et de la Technologie (BMFT) commandite des concept-cars qui se veulent économes en carburant en vue de leur présentation au Salon de Francfort de 1981. Nous sommes encore sous l’effet des deux chocs pétroliers qui mettent en lumière la nécessité d’économiser l’énergie.
Or, Luigi Colani a toujours fait des formes aérodynamiques sa marque de fabrique.
Lutz Colani – dit Luigi – naît à Berlin en août 1928 d’un père décorateur, qui lui transmet le nom d’une famille tessinoise, et d’une mère polonaise et actrice qui lui insuffle la sensibilité slave. Après avoir étudié la peinture et la sculpture aux Beaux-arts de Berlin, il travaille pour les carrossiers Rometsch et Erdmann & Rossi. Il passe une dizaine d’années en France avant de se lancer, en Allemagne, dans l’élaboration de voitures de sport utilisant une plate-forme de Volkswagen. Déjà, elles arborent des formes douces et profilées. Le premier prototype CoLani GT Spyder est confectionné en 1962. L’année suivante, il en est extrapolé une version fermée avec un cockpit vitré basculant. Baptisée « Whippet », elle est commercialisée par Canadur GmbH & Co KG. En 1964, la Whippet reçoit des portes qui ouvrent en ailes de mouette. Puis Colani étudie un prototype à moteur BMW 700.
C’est le début d’une longue et riche série de modèles expérimentaux. En 1967, Luigi Colani a déposé le brevet de la « C-Form » qui consiste en une aile retournée enfermée dans des pontons, en somme l’ancêtre de la « wing car » qui se généralisera en Formule 1 dix ans plus tard. De cette forme naissent de nombreuses maquettes et quelques prototypes roulants pour mettre en pratique ses préceptes : GT90, Colambo, BMW M2, New RS… Leurs formes sont sensuelles, enveloppant dans de généreuses volutes les éléments aérodynamiques et les parties composant la carrosserie, souvent désaccordées.
Dans les années 1970, Luigi Colani jette les bases du bio-design qui par ses formes organiques marquera le style des décennies suivantes. En 1981, Luigi Colani part dispenser la bonne parole au Japon où il est accueilli comme un prophète et où il inonde tous les secteurs de l’industrie. Personnage militant, exubérant et incontestablement visionnaire, Luigi Colani se sert du design comme d’une arme politique. Son discours exalte la subversion, mais sa démarche est romantique. Sa vie raconte l’histoire d’une paranoïa, mais son œuvre est celle d’un utopiste.
Luigi Colani échappe à l’ordre établi. Son influence, sourde et diffuse, est considérable. «La nature crée des formes parfaites », décrète-t-il. « La ligne droite n’existe pas dans la nature », c’est le crédo du biodesign qui emploie un vocabulaire inspiré des formes organiques. Tout est fait de courbes dans l’univers de Colani : ses avions, ses motos, ses stylos, ses téléphones, ses lavabos, ses caméras… et ses sous-vêtements érotiques… Luigi Colani applique les théories du bio-design à tous les moyens de transport, comme sur le gros porteur « Megalodon » en 1977, ou sur les objets usuels, à l’image d’un appareil photo pour Canon en 1983.
Avec ses formes utérines, Colani passe pour un rêveur mono-maniaque, mais partout dans le monde les stylistes subissent son influence et sculptent des volumes plus souples.
Vociférant sans cesse, toujours en état de révolte, Luigi Colani part au Japon pour évangéliser les designers autochtones. Il inonde de ses propositions tous les secteurs de l’industrie puis il en revient « pour ne pas se sentir responsable du naufrage de l’Europe ». Colani fustige l’influence culturelle de l’Amérique et se dit prêt à tout pour la réfréner : travailler pour les Russes, enseigner le design à Pékin, offrir ses services au Liban ou à Lybie…
Plusieurs constructeurs consultent Colani, mais ils n’adoptent pas ses projets pour les mettre en production tels quels. En revanche, ils s’en inspirent largement. Le biodesign enveloppe désormais l’automobile de ses formes animales et s’applique également au style intérieur, contribuant à créer des ambiances protectrices et enveloppantes.
En 2007, tout de blanc vêtu, il reçoit le Grand Prix du Design au Festival, au Grand Palais des mains de Jean-Michel Wilmotte et Rémi Depoix.
Salut l’artiste.