Focus sur « La renaissance de Lagonda »
En mars dernier, Aston Martin a annoncé la renaissance prochaine du label Lagonda en l’illustrant par la réalisation d’un spectaculaire concept-car. Qui se souvient de ce que fut cette marque prestigieuse ? Petit rappel…
En langue shawnee, le lieu-dit Buck Creek où coule une petite rivière se dit « Lagonda ». Wilbur Gunn est né à Springfield, en 1859, dans cette ville de l’Ohio qui a oublié ses origines indiennes. Fils d’un pasteur méthodiste, le jeune Wilbur rêve de nouveaux horizons. Passée la trentaine, il plaque tout pour rejoindre la Grande-Bretagne, mais il n’abandonne pas l’opéra et poursuit sa carrière de ténor. Il s’adonne de plus en plus à son autre passion, la mécanique et bricole ses premières motos en 1902. Il dépose la Lagonda Motor Cycle Co Ltd en mai 1904. Wilbur Gunn passe de deux à trois roues avec le Tricar et en 1907, il saute le pas et construit sa première torpédo.
C’est parti pour l’aventure automobile. Wilbur Gunn s’éteint en 1920, mais la marque lui survit et prospère. Après la Crise de 1929, le contexte économique s’assombrit… En août 1935, est repris par Alan Good qui s’empresse d’engager Walter Owen Bentley à la direction technique. Il se trouve que W.O. Bentley vient alors de quitter la marque portant son nom car elle a été absorbée et dénaturée par Rolls-Royce.
Simple coïncidence, Lagonda remporte en juin 1935 son plus fameux résultat sportif aux 24 Heures du Mans.
Alan Good choisit de repositionner l’image de Lagonda en se concentrant sur les gros modèles. Lagonda lance son chef-d’œuvre, la V12 en octobre 1937.
Au lendemain de la guerre, la marque est à nouveau en difficulté. En 1948, David Brown, fabriquant de tracteurs agricoles, fait l’acquisition de Lagonda, un ana après avoir racheté Aston Martin. David Brown s’emploie à redéfinir la cible de chaque marque et à créer une synergie entre elles. Aston Martin va s’orienter vers le grand tourisme tandis que Lagonda est affecté à la confection de modèles statutaires.
Dans cette association, tandis qu’Aston Martin prend son essor, Lagonda devient le parent pauvre et peine à attirer les clients. La commercialisation des Lagonda est suspendue en février 1958 pour reprendre brièvement et confidentiellement entre 1961 et 1964.
Marquées par les chocs pétroliers successifs, les années 1970 sont meurtrières. En 1972, Aston Martin Lagonda, passée sous la houlette de Company Developments, fait faillite. Elle est reprise par les industriels nord-américains Peter Sprague et George Minden.
En 1980, Victor Gauntlett, fondateur de la Pace Petroleum., prend 10 % d’Aston Martin Lagonda Ltd et en devient le président. De 1985 à 1987, il reste en place, mais le propriétaire est désormais Peter Livanos, importateur de la marque aux États-Unis. Entre 1987 et 2007, Aston Martin Lagonda est intégré dans le groupe Ford.
Pendant toutes ces années d’errance, le nom de Lagonda tombe en désuétude et n’est plus qu’un modèle accolé à la marque Aston Martin de 1976 à 1987. Puis les projets qui utilisent le nom de Lagonda depuis les années 1990 restent sans lendemain ou ne font l’objet que de séries limitées.
En mars 2007, Aston Martin est rachetée par un consortium composé de David Richards, John Sinders, The Investment Dar (TID) et Adeem Investment, ces deux dernières sociétés bancaires étant basées au Koweit.
En décembre 2012, les cartes sont redistribuées : Investindustrial, le fond d’investissement italien qui avait revendu Ducati à Audi, prend 37,5 % des parts détenus par TID et devient l’actionnaire principal de la marque via une augmentation de capital. Un an plus tard, en décembre 2013, une alliance est nouée avec le groupe Daimler qui prend une participation de 5 % dans le capital d’Aston Martin en vue d’un partenariat technique.
C’est dans ce contexte que le nom est attribué à un spectaculaire concept-car exposé au Salon de Genève en mars 2018. Une fois encore, il s’agit d’une limousine à quatre places, mais en arrière-plan, on discerne une version surélevée qui pourrait préfigurer un SUV…
Ces projets ont été élaborés dans le studio dirigé par Marek Reichman… Le futur de Lagonda est entre ses mains.
Article rédigé par Serge BELLU