Focus sur la Peugeot e-Legend, des puces et des hommes
Pour la plupart, les concept-cars délivrent un message. Ainsi, la Peugeot e-Legend n’a pas été dessinée pour ne rien dire. D’une part elle entend évoquer le patrimoine de la marque, d’autre part elle redonne une place prépondérante au geste et à l’esprit.
Avec son concept-car e-Legend, Peugeot a voulu replacer l’humain aux avant-postes. À l’heure où les aides à la conduite se multiplient, où la voiture autonome prend forme, dans cette époque inquiète qui tend à dégager le conducteur de ses responsabilités et à le priver du plaisir du pilotage, il est judicieux de remettre l’homme au premier plan. Et ce rôle débute loin en amont, au moment de la conception d’un nouveau produit. En suivant pendant plusieurs mois le processus créatif qui a abouti au concept-car e-Legend, grande vedette du stand Peugeot pendant le Mondial de l’Automobile 2018, on mesure le supplément d’émotion, de sensibilité et de savoir-faire prodigué par la main de l’homme.
À commencer par le thème d’inspiration qui a été choisi : la célébration du cinquantième anniversaire de la 504 à travers une évocation du coupé dessiné et produit par Pininfarina et lancé en mars 1969.
Comme tous les concept-cars de Peugeot, ce projet a fait l’objet d’une concertation entre Philippe-Emmanuel Jean, le responsable des concept-cars, Mathias Hossann, chargé du design des concept-cars, et Stéphane Strouven, l’homme du planning et du budget, la discussion étant arbitrée par Gilles Vidal le directeur du style de Peugeot au sein du groupe PSA.
À l’origine du concept-car e-Legend, il y a quelques coups de crayons décisifs esquissés par Nicolas Brissonneau, un pilier du studio de Peugeot. Diplômé de l’ENSAAMA (arts appliqués), Nicolas Brissonneau fut aussitôt engagé par Gérard Welter, alors patron du Centre Style Peugeot. Nous sommes en 1994 et il a tout juste vingt ans.
Nicolas Brissonneau n’a jamais quitté la marque dont il est aujourd’hui le directeur artistique pour le design extérieur.
Après avoir tracé les premiers croquis, le designer travaille en étroite relation avec un modeleur numérique qui traduit sur écran les lignes ébauchées sur le papier. C’est alors que l’informatique entre en scène, envisage la sculpture sous tous les angles, dans toutes les attitudes, dans toutes les positions, et lui permet de prendre une tournure réaliste.
Avec sa connaissance de l’histoire et son expérience, Nicolas Brissonneau a capté l’esprit des années 1960 tout en créant un objet contemporain. Les trois volumes sont clairement structurés et soulignés par des plis aiguisés. Le coupé e-Legend ne singe pas la 504 Coupé, mais il lui emprunte à bon escient quelques traits caractéristiques, par petites touches, avec élégance.
Le style intérieur a été conçu dans le même esprit par Christophe Pialat qui s’est efforcé de créer une ambiance intemporelle avec l’aide de Sébastien Floutier, l’homme des couleurs et des matières. Dans le huis clos du coupé, l’atmosphère évoque le passé tout en jouant avec les matériaux de notre époque, jonglant avec les contrastes entre velours et maille technologique. La nuance turquoise rappelle les teintes d’un autre temps, mais la matière renvoie aux sneakers d’aujourd’hui.
Pour la menuiserie, l’équipe a fait appel à un créateur de meubles et d’objets qui se nomme Nicolas Hervet. Originaire du Perche, héritier d’une lignée d’ébénistes remontant à quatre générations, cet artisan a débuté à Paris il y a une vingtaine d’années après des études au lycée Napoléon d’Aigle. En 2014, il a ouvert son atelier à Igé, dans l’Orne, avec son cousin Cédric, autre artiste de la famille, formé à l’école Boulle, ancien directeur artistique du groupe Daft Punk et aujourd’hui basé à Los Angeles. Secondé par Juliette et Fabien derrière les établis, Nicolas Hervet a élaboré pour e-Legend de superbes pièces en bois verni mat, non ciré, à partir de placages de paldão, une essence aux somptueuses veinures importée des Philippines.
La fabrication du prototype a été assuré par la société D3 au cours de l’été 2018. Sans faire de bruit, cette entreprise occupe une place enviable sur la planète du design. Elle a été créée en 1987 par Bernard Pène qui avait été styliste d’atelier chez Renault. Puis très vite, D3 devint l’une des partenaires de l’industrie automobile réalisant des maquettes de style, des prototypes et des concept-cars pour plusieurs constructeurs. En janvier 2005, Bernard Pène passa le relais à Hermidas Atabeyki, son plus proche collaborateur.
Après que la carrosserie en carbone soit sortie du moule, il reste encore de longues heures de finition. Chaque ligne est contrôlée, retouchée, optimisée sous l’œil du styliste. La main du modeleur évalue la justesse des formes, rabote les courbes, retouche la tension des arêtes…
Sur le plan mécanique, la Peugeot e-Legend joue la carte de la modernité avec sa motorisation électrique. Les deux moteurs alimentés par une batterie de 100 kWh développent 340 kW, soit plus de 460 ch. Le prototype serait ainsi capable d’accélérer de 0 à 100 km/h en moins de quatre secondes et d’atteindre 220 km/h en pointe. Peugeot annonce une autonomie de 600 km. Tout cela est théorique. Dans l’immédiat, seul compte l’émotion d’un simple regard.
Serge Bellu